“Le 1ᵉʳ Alahamady, le jour de l’An, à 3 heures du matin, chaque famille donnait un souvenir à ses parents morts, et, dès l’aube, on se souhaitait la bonne année et on procédait aux ablutions rituelles en disant : “Bénissez-moi mon Dieu ! Faites que je vive mille ans en parfaite union avec ma famille” puis avait lieu le repas communiel de riz au lait, de miel et de jaka dont chacun des membres mettait la première bouchée sur la tête.” – M. G. Grandidier, À Madagascar, anciennes croyances et coutumes.

Aujourd’hui, cette fête est toujours au cœur des pratiques des Malgaches. Elle est l’occasion de se reconnecter avec ses racines, d’honorer les ancêtres et de renforcer les liens familiaux.
Alors, quelles sont les origines et l’histoire fascinante d’Alahamady Be, ce Nouvel An riche en traditions ancestrales ? Quelles coutumes et rituels font de cette célébration un moment unique pour les Malgaches ? Et comment ce Nouvel An s’est-il transformé au fil du temps pour s’intégrer dans le monde moderne ? Les détails dans l’article.
I. Les origines et l’histoire d’Alahamady Be
Alahamady Be trouve ses racines dans les croyances ancestrales et les pratiques royales de Madagascar. Ces origines montrent combien la spiritualité et les coutumes anciennes façonnent encore le quotidien des Malgaches.
1. Les racines historiques du Nouvel An malgache
Le Nouvel An malgache, ou Alahamady Be, trouve son origine dans les traditions royales du royaume Merina. Avant l’unification de Madagascar à la fin du XVIIIe siècle, chaque région de l’île suivait son propre calendrier et célébrait le passage à la nouvelle année selon ses propres rites. Puis, l’instauration d’un pouvoir centralisé permit d’harmoniser ces pratiques, et la célébration du Nouvel An fut officiellement fixée au premier jour du mois d’Alahamady.
Cette uniformisation s’appuyait sur une tradition plus ancienne, initiée par le roi Ralambo (1575-1610). Ce souverain, considéré comme l’un des premiers grands rois de l’Imerina, choisit d’établir le début de l’année en fonction du calendrier lunaire. Le mois d’Alahamady correspondait au premier croissant de lune dans la constellation du Bélier, une période symbolisant le renouveau et la purification.
En plus de son importance rituelle, ce choix répondait aussi à une motivation plus personnelle : cette date coïncidait avec l’anniversaire du roi. En instituant cette célébration, Ralambo renforçait son caractère sacré et affirmait son lien privilégié avec les ancêtres.
Cette année, l’Alahamady Be aura lieu le 30 mars, une tradition séculaire qui conserve toute son importance dans la culture malgache.
2. Les croyances ancestrales et leur impact sur la célébration
Les croyances ancestrales jouent un rôle important dans la célébration de l’Alahamady Be. Selon les croyances du peuple malgache, les ancêtres, ou “razana”, ont une influence directe sur leur vie quotidienne, que le “Zanahary” (le Créateur) veille sur eux à travers leurs ancêtres. Ainsi, lors des rituels du Nouvel An, il est courant de faire des offrandes pour honorer ses ancêtres et demander leur bénédiction pour l’année à venir. Ces pratiques renforcent les liens familiaux et communautaires, créant un sentiment d’unité parmi les participants.
Par exemple, l’interdiction d’abattre ou de manger des zébus la veille de l’Alahamady Be est intimement liée aux croyances culturelles malgaches. En effet, le zébu est perçu comme un symbole de sagesse, de richesse et de prospérité. Ainsi, cette abstinence souligne également l’importance de la réconciliation et du pardon généralisé que représente l’Alahamady Be. Aussi, en évitant de consommer du zébu, les peuples affirment leur engagement à tourner la page sur les conflits passés. En plus, ce jour est considéré propice pour initier des projets, car selon les croyances malgaches, les actions entreprises durant cette période sont bénies par les ancêtres et ont de grandes chances de réussir.
II. Les coutumes et rituels associés à Alahamady Be
Alahamady Be est marqué par des pratiques uniques qui reflètent les valeurs familiales et communautaires des Malgaches. Ces rituels sont riches de significations et témoignent de l’importance accordée aux liens sociaux.
1. Les rituels familiaux et communautaires
L’Alahamady Be est marqué par une série de rituels sacrés qui visent à purifier les individus, renforcer les liens sociaux et assurer la prospérité pour l’année à venir. Parmi ces rituels, le “Fandroana”, ou bain sacré, occupe une place importante. Ce rituel ouvre les festivités la veille du Nouvel An et symbolise la purification du roi, de ses sujets et de l’univers entier. Le bain est pris dans un lieu sacré du palais, au coin dédié aux ancêtres, appelé “zoro firarazana”[1] ou “zoro alahamady”. Le roi porte une étoffe pourpre en soie spécialement confectionnée pour l’occasion.
L’après-midi précédant le Nouvel An est marqué par la cérémonie du “afo tsy maty” (feu éternel), qui rassemble toute la communauté. Ce feu sacré doit rester allumé jusqu’à l’aube pour symboliser la continuité de la vie. Les femmes et les enfants parcourent ensuite leur village avec des lampions pour éloigner les mauvais esprits. Cette procession incarne la lumière et l’espoir d’une année prospère. La nuit se termine par une veillée collective appelée “andro tsy maty”, où tout le monde veille autour du feu.
Le matin du Nouvel An, les familles pratiquent le “Santatra” en remplaçant leurs nattes usées par des neuves et en portant des vêtements neufs. Ce geste symbolise le renouveau et le respect des traditions. Un autre rituel important est le “safo-rano misandratr’andro”, où les membres de la famille se bénissent mutuellement avec de l’eau pure puisée à l’aube. Chaque participant plonge ses mains dans cette eau avant de les poser sur sa tête tout en formulant des vœux de bonheur et de prospérité. Ces bénédictions sont adressées à Dieu “Andriamanitra Andriananahary” pour invoquer une année harmonieuse.
2. Les plats typiques et leur symbolisme
Les plats préparés lors de l’Alahamady Be sont porteurs de significations profondes liées au partage, à l’unité et à la prospérité. Parmi ces repas, le “tatao” se distingue par sa signification. Ce plat est composé de riz arrosé de lait et de miel. Après le rituel du “safo-rano misandratr’andro”, chaque participant pose ce mélange sur sa tête pour se protéger des mauvais sorts. Le “tatao” représente la joie, le bonheur et l’espoir partagés au seuil de la nouvelle année.
Aussi, le “hanim-pitoloha”[2], également connu sous le nom des “7 plats royaux” est l’un des repas servis lors de l’Alahamady Be. Ce mets symbolise l’abondance et la perfection. Le chiffre sept a une signification dans la culture malgache : souvent associé à la plénitude et à la perfection. Le chiffre sept désigne donc un repas composé d’au moins sept mets différents, symbolisant l’abondance et la générosité.
Enfin, le “nofon-kena mitam-pihavanana” illustre parfaitement les valeurs de solidarité et d’unité au sein de la communauté. Lors de ce rituel culinaire, la viande de zébu est partagée entre les membres de la communauté, pour renforcer les liens sociaux. Les zébus utilisés sont souvent choisis avec soin pour leur couleur rouge et blanche, qui a une forte valeur symbolique.
3. Les manifestations culturelles : musique et danse
Les festivités d’Alahamady Be sont également animées par des performances artistiques qui célèbrent le patrimoine culturel malgache. La musique traditionnelle occupe un rôle essentiel dans ces célébrations. Le Vakodrazana [3], par exemple, utilise principalement des tambours pour accompagner les cérémonies. Cette forme musicale traditionnelle rythme les rassemblements communautaires avec énergie et dynamisme.
Également, il y a le “Hira Gasy”, un genre artistique emblématique qui combine chants, danses et récits oraux pour transmettre des valeurs morales ou raconter des histoires liées aux traditions malgaches. Ces performances sont autant éducatives que divertissantes.
III. Le Taom-baovao Malagasy de nos jours
Si l’Alahamady Be ne rassemble plus autant qu’autrefois, il reste une fête portée par des associations et des familles royales attachées aux traditions. Dans certaines régions, notamment à Ambohidrabiby, des célébrations sont organisées pour rappeler l’héritage culturel du Nouvel An malgache et maintenir vivantes certaines pratiques.
Avec le temps, les rituels ont évolué. Les sacrifices d’animaux et les cultes aux ancêtres ont disparu des célébrations officielles, mais des éléments symboliques comme les « tsodrano » (bénédictions), le « afo tsy maty » (feu éternel) et les « arendrina » (lampions) sont toujours présents. La musique traditionnelle, notamment le « hira gasy » et le « vako-drazana », continue d’accompagner l’événement, lui donnant une dimension festive.
Si autrefois l’Alahamady Be était avant tout un moment de renouveau et de spiritualité, son importance aujourd’hui semble évoluer. Loin de son rôle initial, l’Alahamady Be est-il encore un véritable moment de renouveau ou devient-il surtout une occasion d’intérêt économique ?
Conclusion
L’Alahamady Be, entre traditions et évolutions, témoigne du lien profond entre le peuple malgache et son héritage culturel. Si certains rituels ont traversé les siècles, d’autres se sont adaptés à un monde en mutation. Cette célébration, bien qu’elle ait perdu de son ampleur, continue de porter une mémoire collective, un repère identitaire pour ceux qui souhaitent préserver leur histoire. Reste à savoir comment elle évoluera à l’avenir : trouvera-t-elle un nouvel élan ou se transformera-t-elle davantage sous l’influence des dynamiques actuelles ?
Références :
[1] : Zorofirarazana
[2] : Hanim-pitoloha
[3] : Le Vakodrazana, un spectacle populaire des Hauts Plateaux
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