Salon ITM 2025 : développer les talents pour accélérer l’évolution touristique

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À Madagascar, l’écotourisme gagne du terrain. La valorisation du patrimoine devient une priorité, et les attentes des voyageurs évoluent. Face à cette dynamique, une question revient souvent, “a-t-on les bonnes compétences pour accompagner cette transformation ?”

Ce salon a réuni professionnels du tourisme, représentants d’institutions et acteurs de la formation lors d’une table ronde organisée au 11ᵉ Salon de l’ITM, en juin dernier à Antananarivo. Des représentants du CONFORTH, de l’IECD Madagascar, du FMFP, de l’INTH, de VATEL, du Ministère du Tourisme, de la Fondation Académie Marocaine de la Gastronomie et du Golf du Rova étaient présents pour échanger autour de la thématique « Développer les talents pour accélérer la transformation touristique »

Alors, comment mieux comprendre les réalités du secteur ? Qu’est-ce qui freine encore l’embauche et la fidélisation des talents dans le tourisme ? Et quelles solutions pour former, attirer et garder les bons profils ? Les réponses, issues directement des discussions et des recommandations lors de la table ronde, sont détaillées dans cet article.

État des lieux des compétences et des obstacles

Comprendre ces freins et ces manques est la première étape pour agir et relever le niveau du secteur.

Lacunes clés dans les savoir-faire 

Malgré un effectif estimé à 350 000 personnes œuvrant dans le tourisme, l’Hôtellerie et la Restauration, seuls 6 000 employés ont bénéficié depuis 2015 d’une formation financée par le Fonds Malgache pour la Formation Professionnelle (FMFP), soit à peine 1,7 % de la main-d’œuvre. Ce chiffre souligne un déficit structurel. Les dispositifs de formation initiale et continue, en particulier pour les métiers techniques (cuisine, service, hébergement), restent largement insuffisants. 

Dans le secteur de l’artisanat, sur les 164 métiers recensés, seuls 30 disposent d’un référentiel de formation formel. Les 134 autres s’apprennent donc directement sur le terrain, sans cadre pédagogique formel. Du côté du THR, la situation est tout aussi préoccupante, moins de 5 % des parcours de formation existants permettent réellement de préparer les professionnels aux exigences concrètes du métier.

Au sein des écoles techniques, les plateaux pédagogiques peinent à reproduire la réalité du terrain. L’écart entre les enseignements théoriques et les exigences opérationnelles crée un “gouffre” au moment de l’embauche. Les nouveaux collaborateurs débarquent souvent sans maîtriser la chaîne complète des prestations hôtelières, ce qui pèse sur la qualité de l’expérience client et sur la compétitivité des établissements.

Freins au recrutement et à la fidélisation

À part ce déficit de formation, les métiers du tourisme souffrent encore d’une image dévalorisée. Trop souvent perçus comme « subalternes », ils peinent à attirer les jeunes diplômés, qui ignorent les perspectives d’évolution rapide offertes dans le secteur du THR. Cette méconnaissance des débouchés freine la constitution de viviers de talents motivés.

Par ailleurs, les obstacles réglementaires freinent également la mise en œuvre des dispositifs d’alternance, pourtant essentiels pour renforcer le lien entre formation et pratique professionnelle. Bien que le décret d’application de la convention d’alternance soit paru en novembre 2023, deux arrêtés complémentaires ne sont pas encore publiés. Ça limite l’accès aux prises en charge prévues depuis mars 2025 pour les formations techniques, et dès septembre 2025 pour les formations professionnelles.

Face à cette attente, le FMFP a décidé d’agir en amont. Sur la base d’un consensus partagé avec les partenaires concernés, le fonds a choisi de financer les demandes reçues, même en l’absence de ces deux textes, afin de répondre à l’urgence du besoin sur le terrain.

Initiatives et leviers pour attirer, former et fidéliser

Plusieurs acteurs ont déployé des mesures concrètes pour répondre à ces enjeux. Les initiatives portent à la fois sur la formation et sur la fidélisation des équipes.

Innovations RH et dispositifs de formation

Le FMFP a instauré un mécanisme de financement inédit fondé sur une contribution obligatoire de 1 % de la masse salariale brute des entreprises. Grâce à ce prélèvement, les organisations formelles alimentent un fonds dédié à la montée en compétences de leurs équipes. En moyenne, 70 % des sommes collectées sont redistribuées aux employeurs pour financer des formations ciblées. L’Agence Française de Développement et l’Union européenne peuvent compléter ce dispositif par des subventions qui élargissent le périmètre des bénéficiaires. 

Depuis 2015, plus de 100 000 salariés ont pu accéder à ces programmes de formation dont 6 000 acteurs du THR, ce qui reste encore insuffisant. Grâce à des appels à projets ciblés, en partenariat avec la Confédération du Tourisme de Madagascar et la FHORM, des programmes thématiques, comme l’écotourisme et les services d’accueil, ont vu le jour, répondant aux nouveaux besoins du marché. 

Aussi, l’alternance, une fois pleinement opérationnelle, permettra de réduire l’écart entre formation théorique et réalité du terrain, de permettre aux alternants de pouvoir toucher des indemnités pour subvenir ne serait-ce que partiellement à leurs besoins financiers. Le versement de ce montant contraindrait les employeurs à donner de véritables tâches constructives aux alternants. À terme, chaque jeune pourra alterner missions en entreprise et sessions en centre de formation, avec un financement assuré par le FMFP. 

Parallèlement, le ministère du Tourisme et de l’Artisanat travaille avec celui de l’Enseignement technique et de la Formation Professionnelle. pour créer deux nouveaux référentiels, chef de volet écotourisme et artisanat. Ces outils vont aider à mieux encadrer et reconnaître ces métiers.

Avec l’appui de l’Institut de la Francophonie pour d’Éducation et de la Formation (IFEF), un dispositif de validation des acquis de l’expérience (VAE) [1] est aussi en préparation. Il permettra aux guides accompagnateurs expérimentés, mais non diplômés, de faire reconnaître leurs compétences. 

Synergies territoriales et partenariats professionnels

Le renforcement des compétences dans le secteur touristique passe aussi par une meilleure articulation entre les acteurs locaux et nationaux. 

Le ministère du Tourisme et de l’Artisanat et le ministère de l’Enseignement technique et de la Formation Professionnelle coordonnent leurs efforts pour élaborer des référentiels de formation communs. Plusieurs écoles spécialisées, comme Vatel Madagascar et l’Institut National du Tourisme et de l’Hôtellerie, apportent leur expertise dans l’ingénierie pédagogique. À cela s’ajoutent des collaborations avec le CONFORTH et l’IECD [2], qui interviennent directement dans l’orientation scolaire et la formation initiale. Les groupements professionnels et les agences de financement soutiennent des salons régionaux dédiés aux métiers du tourisme. Dans le même temps, l’Agence Française de Développement produit des films de promotion sur les opportunités de carrière, diffusés par l’Office national du Tourisme de Madagascar sur les chaînes locales. Le Rotary Club organise depuis plus de dix ans des rencontres entre professionnels et lycéens pour susciter des vocations. 

Vision prospective : talents et offres de demain

En se projetant vers l’avenir, il est essentiel d’anticiper les compétences qui feront la différence et d’imaginer les offres de services attendues par les voyageurs. Cette vision prospective met l’accent sur un tourisme responsable, inclusif et technologiquement avancé.

Nouvelles compétences pour un tourisme responsable

Le tourisme responsable exige de nouveaux savoir-faire, notamment la gestion durable des ressources naturelles. En outre, les professionnels doivent maîtriser les principes de préservation de la biodiversité et de respect des écosystèmes locaux. La médiation culturelle joue également un rôle clé pour valoriser le patrimoine malgache auprès de visiteurs en quête d’authenticité. Aussi, les compétences en communication digitale et en storytelling facilitent la promotion des initiatives écotouristiques. De même, les outils d’analyse de données permettent d’anticiper les flux de visiteurs et de réduire les impacts environnementaux. Ces formations intègrent désormais des modules de gestion de projet responsable, afin de concevoir des séjours profitables aux communautés locales. Enfin, l’alliance entre intelligence humaine et algorithmes personnalise l’expérience client tout en préservant l’environnement.

Sensibilisation des générations montantes

Pour assurer un vivier de talents, il faut susciter l’intérêt des jeunes dès le secondaire. Des interventions régulières à l’université d’Antananarivo et dans les instituts techniques présentent les débouchés du tourisme. Des professionnels partagent leur quotidien lors de séances de découverte organisées dans des collèges et lycées. Les salons thématiques, comme le salon du tourisme rural, offrent un premier contact avec les métiers de l’hôtellerie et de l’artisanat local. L’opération “Ny Asako Rahampitso”[3] place des stands où les élèves peuvent échanger directement avec des guides et des managers d’hôtels. Les programmes d’orientation intègrent à présent des visites de sites touristiques et des ateliers pratiques. Le consortium CONFORTH propose un mentorat qui met en relation étudiants et tuteurs expérimentés. 

Enjeux de gouvernance et de politique publique

Le succès de ces initiatives dépend d’un cadre réglementaire clair et opérationnel. 

Par exemple, le décret d’application n°12-51, publié fin 2023, définit la convention d’alternance, mais deux arrêtés sont encore attendus pour finaliser le dispositif. Il est indispensable que le ministère du Tourisme et de l’Artisanat et le ministère de l’Enseignement technique et de la Formation Professionnelle coordonnent leurs calendriers et leurs ressources. Sur les 136 référentiels métiers à créer, une grande partie reste à rédiger et à valider. L’Office National du Tourisme de Madagascar et le ministère du Tourisme et de l’Artisanat doivent jouer un rôle central dans la diffusion des contenus pédagogiques. La mise en place d’un comité de pilotage commun permettrait de suivre l’évolution des formations et de mesurer leur impact. Des indicateurs clairs, comme le taux d’emploi post-formation ou le taux de fidélisation dans les entreprises, doivent être définis. Enfin, une évaluation régulière des politiques publiques garantira que les leviers choisis restent pertinents et efficaces.

Conclusion

En combinant développement des talents techniques, dispositifs de formation innovants et coordination multisectorielle, Madagascar se donne les moyens d’accélérer l’évolution de son secteur touristique. Les mécanismes de financement ciblés, les synergies territoriales et les programmes sur mesure tout au long du parcours professionnel renforcent l’employabilité, la fidélisation et la montée en compétences des acteurs du terrain. Dans cette dynamique, les cabinets spécialisés comme CTHR jouent un rôle important. Ils conçoivent des modules adaptés aux réalités locales et aux enjeux digitaux, tout en accompagnant aussi bien les étudiants que les entreprises vers une pratique professionnelle optimisée à partir des formations que le cabinet offre. Par leur expertise, CTHR contribue ainsi à nourrir un écosystème de talents résilient et tourné vers l’avenir du tourisme malgache.

Références : 

[1] : Validation des Acquis de l’Expérience (VAE)
[2] : IECD (Institut Européen de Coopération et de Développement)
[3] : « Ny asako rahampitso » : 6 639 lycéens à sensibiliser

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